06/09/2012
Touristiquement vénitien
Mettre les pieds pour la première fois dans ce mythe lacustre crée de l'appréhension et des doutes, peut-on profiter lorsqu'on sait que les mauvais touristes arrivent en masse par cars, avions et bateaux ? Est-ce vraiment une ville ou un musée à ciel ouvert ? Dès que sa silhouette inconfondable apparaît dans le hublot on se sent transporté dans une imagerie anachronique historico-artistique, on se voit sur ses places, ruelles, canaux et églises si reproduits qu'on croit les connaître. Mais comme toute croyance, elle n'existe que pour être détruite par les faits. Suivre le sentier jaune indiqué par les cartes touristiques se révèle inévitable quand il s'agit de chercher le chemin le plus court reliant les « il faut voir ». On se faufile entre la transhumance mondialisée et abêtie par l'achat compulsif de T-shirts et masques made in PRC -ce n'est pas si difficile, du moins pendant la saison base-. Mais il suffit de lever le yeux ou détourner un peu le regard pour qu'une sculpture, un relief, une façade, une perspective monumentale aide à effacer ce désagrément et déclenche la construction d'images d'un autre temps, on se voit entourés d'une autre vitalité, celle engendrée par une vie palpitante, dynamique, commerçante et créative, une vie d'un siècle révolu. Ces temps ont laissé des marques si imposantes, si belles, si nombreuses qu'elles donnent encore un claque lorsqu'on les découvre par inadvertance au détour d'une porte dérobée. Même la modernité s'est pliée à l'inertie du passé, les bruits mécaniques classiques d'une ville sont absentes ou presque, point de voiture ou motocyclette seulement quelques bateaux dont la vapeur n'est plus la source de propulsion et sont confinés à quelques cours navigables. Toutes les activité modernes se sont ainsi adaptées moulant, transformant les modèles qu'on connaît. Ces modifications font travailler si bien les corps des jeunes porteurs qu'ils perturbent plus que les poignées dénudés des vierges. Tout ceci ne peut malheureusement que faire oublier momentanément la source actuelle de vie de la cité. Dès que l'on doit quitter son imagination pour se replonger dans le gestes quotidiens, on s'aperçoit qu'on n'est qu'un parmi ces milliers, centaines de milliers de visiteurs s’acquittant continuellement de frais touristiques pour tout.
16:30 Publié dans Anecdote, Voyage | Commentaires (0)
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